Article: Le tour des fibres textiles : qu'est-ce que la laine ?
Le tour des fibres textiles : qu'est-ce que la laine ?
Le tour des fibres textiles : qu'est-ce que la laine ?
Après vous avoir présenté les fibres textiles végétales, il est temps de nous intéresser aux fibres textiles animales en nous focalisant sur notre matière bien-aimée : la laine.
Parmi les diverses sources de fibres textiles, les fibres animales ont occupé une place particulière, offrant une richesse de textures, de chaleur et de confort inégalée. Représentant 1,6 % (1,8 million de tonnes) des fibres textiles produites dans le monde en 2021, elles sont issues de la laine de mouton, d’alpaga ou encore d’angora. Tout au long de l’histoire, elles ont été utilisées pour fabriquer des vêtements confortables, respirants et durables mais aussi concevoir des tissus d'ameublement ou de la literie.
D’un impact écologique souvent décrié, les fibres textiles animales connaissent pourtant un regain d’intérêt, portées par leurs caractéristiques propres, de nouvelles méthodes de production et des avancées technologiques permettant de limiter l’impact de leur culture sur la planète.
Pour cette seconde étape de notre tour des fibres textiles, nous détaillerons notre fibre de prédilection, la laine, ses caractéristiques uniques permettant la fabrication de vêtements de haute qualité, son impact environnemental, les nouvelles pratiques durables qui émergent, et enfin, le cas particulier de la laine française (cocorico !).
La laine : la matière première noble par excellence !
Depuis des milliers d’années, la laine entretient avec les Hommes une histoire singulière.
Cette fibre naturelle issue des toisons de moutons, de chèvres, de lamas et d'autres animaux, a joué un rôle vital dans l'histoire de l'humanité, devenant à la fois un symbole de tradition et une matière idéale pour l'innovation.
Précieusement récoltée, filée, tissée et transformée depuis des temps anciens, la laine a permis aussi bien aux Hommes de dompter les aléas du climat, que de les habiller avec élégance. Mais son utilisation ne se limite pas seulement à l’industrie textile : ameublement, sport, literie, nombreux sont les secteurs se servant de cette ressource d’exception comme matière de choix dans la création de leurs produits. Les différents croisements d’espèces réalisés au cours de l’Histoire ont d’ailleurs permis d’améliorer considérablement les qualités de laine pour obtenir une matière première vertueuse et aux innombrables vertus. Possédant une multitude de propriétés comme douceur, respirabilité, résistance et durabilité, la laine a toujours eu une image haut de gamme, ce qui a permis de faire s’envoler son utilisation jusqu’au début des années 2000, années marquées par l’arrivée des fibres synthétiques comme le polyester ou le polyamide. Cette arrivée de ces nouvelles fibres, aux coûts de production moins élevés, a entraîné une chute de son utilisation.
Aujourd’hui, bien que la laine reste la matière d’origine animale la plus utilisée dans le secteur textile dans le monde avec plus d’un million de tonnes (soit 1% du total des fibres textiles produites en 2021 selon Textile Exchange), son utilisation reste bien minoritaire comparativement aux fibres synthétiques (68% du total des fibres textiles produites en 2021). Elle a même connu une baisse de sa production de 32% entre 1995 et 2021, avec une diminution de plus de 50% de la production de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande par exemple (Source : IWTO). Les raisons de cette baisse de production sont nombreuses : augmentation du coût de production, baisse du prix de vente, centralisation de la production, utilisation de matières de substitution (coton, fibres artificielles chimiques, fibres synthétiques…) et, plus récemment, effets du réchauffement climatique (sécheresse, inondation, épuisement des sols, raréfaction des ressources naturelles…).
Plus globalement et plus antérieurement, ces phénomènes ont d’ailleurs entraîné un réel basculement sur l’échiquier mondial des producteurs de laine. Alors que l’Europe était la place forte de la laine jusqu’au début du 19ème siècle, aussi bien en termes de production que d’appareils industriels, la situation a complètement changée à partir de ce siècle.
Confrontée à la concurrence du coton, fibre moins coûteuse, disponible en grande quantité et facile à travailler, la filière de la laine mondiale se centralisa sur un nouveau territoire au détriment de l’Europe : l’Australie.
En quelques décennies, porté par d’immenses terres fertiles, d’un climat idéal, de nouvelles inventions et des croisements ayant amené à une laine d’une grande douceur, la filière concentra sa production sur ces deux territoires, faisant tomber en désuétude la production européenne.
Aujourd’hui, l’Australie est toujours le pays dans lequel est produit le plus de laine avec plus de 220 000 tonnes produites en 2021 (22,1% de la production mondiale). Et si nous ajoutons les 97 000 tonnes produites par la Nouvelle-Zélande (9,4% de la production mondiale), la production de ces deux pays grimpe à plus de 30% de la production mondiale !
Côté Europe (géographiquement), la production est extrêmement minoritaire (moins de 8% de la production mondiale), d’autant plus quand on la compare à son glorieux passé. Par exemple, la France couvre moins de 1% de la production mondiale, ce qui la place très loin des mastodontes que sont l’Australie, la Chine, la Nouvelle-Zélande ou même la Turquie.
Quels sont les différents types de laine et lainage ?
Laine de mouton, mérinos, shetland, d’agneau, vigogne, alpaca, cachemire, angora ou mohair il existe de multiples types de laine et lainage, qui ont chacune et chacun des caractéristiques propres, reflets de l’environnement dans lequel évolue l’animal.
La laine de mouton
Avant d’aborder des laines particulières comme la laine des moutons mérinos ou Shetland, nous allons nous concentrer sur la laine dite « traditionnelle », c’est-à-dire celle des races communes, qui ne proviennent pas d’une race aux caractéristiques spécifiques et à la renommée mondiale comme la laine mérinos ou la laine Shetland.
Une brève analyse de la toison d’un mouton s’impose. Elle est constituée de deux couches de poils : des poils courts et fins aux propriétés isolantes, qui constituent la laine, et des poils grossiers et rigides appelés « jarres » qui servent à protéger l’animal contre les intempéries.
Du fait du grand nombre d’espèces différentes élevées tout autour du globe (plus de 1000 !), la laine « traditionnelle » comprend aussi bien des laines ayant des fibres fines que plus « rustiques ». La finesse de la laine de mouton s’évalue en micron. Pour la laine de mouton, elle est donc souvent répartie entre 20 microns pour les fibres les plus fines et 40 microns pour les fibres les plus rustiques. Les fibres les plus fines (entre 20 et 25 microns) seront plutôt réservées à la fabrication de vêtements en laine tandis que les fibres les plus épaisses (au-delà de 30 microns) seront plutôt réservées à la confection de tapis ou de tissus d’ameublement.
La laine mérinos
Poursuivons avec, très certainement la laine la plus célèbre : la laine mérinos. Laine de référence, elle n’est pas originaire d’Australie ou de Nouvelle-Zélande, comme on peut le croire, mais d’Europe, et même près de chez nous puisqu’elle est native d’Espagne. Sa production permet de faire vivre plus de 50 000 agriculteurs en Australie et plusieurs milliers ailleurs. Les exploitations sont en grande partie familiales et la main-d'œuvre liée à ce secteur est estimée à plus de 20 000 personnes. Elles sont principalement situées dans deux États : La Nouvelle-Galles du Sud et Victoria.
Cette laine présente en abondance (un mouton mérinos peut produire jusqu’à 9 kilos de laine à l’année) est mondialement reconnue pour la finesse de ses fibres (entre 15 et 21,5 microns). Longues et brillantes, elles permettent de fabriquer des tricots d’une grande douceur, respirants et confortables. Ses fibres les plus fines sont même très recherchées et utilisées pour la fabrication de vêtements techniques comme les vêtements de ski ou de randonnée.
Les autres laines de mouton : Shetland et agneau
Continuons avec une autre laine très utilisée outre-Atlantique : la laine Shetland. Issues des moutons du même nom, cette laine emblématique du Royaume-Uni nous vient tout droit des îles Shetland, situées au nord de l’Écosse. Le mouton Shetland est considéré comme une race naturelle, c’est-à-dire que cette race n’a quasiment pas changé au cours des siècles. Cette race, robuste et adaptable, présente 11 couleurs naturelles différentes, ce qui permet de transformer la laine sans avoir à la teindre.
Sa laine, au toucher feutré, est souple, résistante et isolante. Elle permet la fabrication d’un tissu lourd et robuste, emblématique des vestes des gentlemen anglais : le tweed.
La laine d’agneau ou lambswool quant à elle est issue de la première tonte des agneaux. Elle se distingue par sa douceur et sa chaleur. Ses fibres courtes et moelleuses doivent en revanche être mélangées à des fibres plus longues pour diminuer le phénomène de boulochage. Cette laine est particulièrement utilisée pour la confection de pulls ou d’écharpes d’une grande douceur.
Alpaga et vigogne : les laines des camélidés
Vous connaissez l’alpaga ? Ce paisible herbivore, originaire d’Amérique du Sud, est mondialement reconnu pour son exceptionnelle toison. Offrant une panoplie de plus de 22 couleurs naturelles, cette laine haut de gamme est plus douce, plus résistante, plus chaude et plus légère que la laine de mouton. Ses fibres, incroyablement fines, sont notamment utilisées pour la fabrication de pulls, d’écharpes ou de bonnets. Chaque alpaga donne en moyenne 2,5 kilos de laine par an et sa toison peut être conservée 2 ans. Elle convient plus à la fabrication de vêtements de mi-saison. La production de cette fibre haut de gamme est en grande partie effectuée au Pérou (où près de 4 millions d’alpagas résident), grâce à une production raisonnée, organisée auprès de petites exploitations opérant de manière indépendante. On estime la production globale de cette laine d’exception à près de 6 244 tonnes en 2021.
Considérée comme la laine la plus raffinée du monde, la laine de vigogne est incroyablement fine. Très onéreuse et rare (chaque animal ne produit que 200 grammes de matière première par an), elle est uniquement utilisée par l’industrie du luxe. La vigogne est un mammifère originaire d’Amérique du Sud ayant risqué l’extinction pendant des siècles. Aujourd’hui, grâce à un encadrement strict de la collecte de sa laine et la promotion d’une tonte durable, le nombre de vigognes a considérablement augmenté. La tonte est réalisée selon des principes anciens par les communautés andines. Dans le détail, la vigogne est tondue et ensuite relâchée dans son habitat naturel, dans le respect des traditions des communautés andines.
Cachemire et mohair : les laines des caprins
Considérée comme l’une des plus belles laines grâce à sa douceur, sa brillance et ses propriétés thermorégulatrices, la laine des chèvres cachemires est une matière de renom, très appréciée dans l’industrie du luxe pour. Originaire d’Asie centrale, cette chèvre à la toison d’exception s'épanouit dans un univers montagneux où son pelage lui permet d’affronter sereinement les froids polaires de la région. Selon Textile Exchange, sur les 26 000 tonnes de cachemire produites chaque année, 95% sont produits dans deux pays : La Chine (58% de la production mondiale) et la Mongolie (38%).
Saviez-vous que le mohair est originaire de Turquie ? En effet, les chèvres angoras, productrices de cette laine à la douceur incomparable et à la subtile brillance, viennent d’Ankara, en Turquie. Très isolante, thermorégulatrice et légère, cette laine d’exception à également la particularité de particulièrement bien réagir à la teinture, les couleurs en sont ainsi sublimées. La production était estimée à 4590 tonnes en 2021 selon Textile Exchange, et concentrée sur l’Afrique avec plus de 50% de la production mondiale réalisée en Afrique du Sud.
Les qualités de laine
Souvent, la laine est souvent présentée comme une matière particulièrement difficile à entretenir. Pourtant, si vous avez été attentifs à nos conseils d’entretien d'un vêtement en laine, il n’en est rien ! Et au-delà de sa facilité d’entretien, la laine est également une matière aux multiples vertus.
Lesquelles ?
Premièrement, c’est la qualité la plus connue mais la laine, ça tient chaud, ça peut même tenir très chaud. Mais ce serait être incomplet de ne prendre la laine que sous le prisme de la chaleur. En vérité, elle protège aussi bien du chaud que du froid grâce à ses propriétés thermorégulatrices.
La laine est également reconnue pour sa résistance, son élasticité et sa légèreté. Une fibre de laine peut être tordue et repliée sur elle-même plus de 20 000 fois sans casser.
Autres points importants : c’est une matière respirante, saine et antibactérienne. En effet, la laine limite la sudation, neutralise les odeurs et régule l’humidité dégagée par notre corps, pour une chaleur saine et confortable. De plus, grâce à sa capacité d’absorption de l’humidité et son aération, la laine limite le développement des acariens et n’attire que peu la poussière.
Enfin, la laine est une matière naturelle, durable et biodégradable. Au-delà de pousser toute l’année sur le dos des animaux, la laine peut aussi se composter et agit comme un engrais écologique de longue durée pour les sols. Les produits fabriqués à partir de laine sont souvent synonymes de longévité et vous accompagneront pendant de longues années. C’est également une matière qui est très facilement recyclable, ce qui permet une seconde vie à vos pulls en laine préférés.
Le marché de la laine mondial est-il éco-responsable ?
Répondre à cette question est relativement compliquée et demande une réponse nuancée, tant elle demande la prise en compte de multiples paramètres que nous allons rapidement vous exposer.
D’un côté, le marché mondial, marqué par l’élevage intensif, a été ou est toujours générateur de multiples problèmes, d’ordre écologiques, éthiques ou sociaux, qui ne permettent pas de répondre à la question par l’affirmative.
Premièrement, tout le processus de transformation peut être extrêmement consommateur de ressources, d’énergie, et émetteur de gaz à effets de serre. En effet, avant de devenir un produit fini, la laine passe par pas moins de 6 étapes de transformation (voir notre article sur les étapes de fabrication des produits en laine).
Tout d’abord, l’élevage intensif peut induire une importante utilisation de ressources, naturelles ou non. Les ovins ont besoin de beaucoup d’espaces pour pâturer, ce qui entraîne une augmentation de la salinité et de la dégradation des sols et la diminution de la biodiversité. Et plus le nombre d’ovins augmente, plus le nombre de terres allouées à leur élevage augmente… De plus, l’élevage intensif demande une énorme quantité d’eau pour nourrir les bêtes, ressource qui ne l’oublions pas, n’est pas inépuisable. Enfin, des pesticides et insecticides sont utilisés pour traiter les moutons et éviter que les parasites ne prolifèrent et impactent la santé des bêtes.
Ensuite, chaque étape de fabrication va mobiliser une importante mobilisation de ressources comme le lavage ou la teinture de la laine qui demande une importante quantité d’eau, et souvent des substances chimiques. Vient ensuite la consommation d’électricité des étapes suivantes qui, selon le mix énergétique du pays producteur, peut varier du simple au double, induisant un modèle incluant une faible part d’énergies renouvelables.
Mais la production intensive de laine n’implique pas seulement des problèmes écologiques, il y a également des problématiques d’ordre éthique qu’il ne faut pas négliger.
En effet, la production de laine a été pendant de nombreuses années sujet à controverse : mulesing, marquage, faible prise en compte de la santé des travailleurs et des animaux, nombreux ont été les sujets qui ont entaché la production de cette fibre d’exception.
Pratique interdite en Europe, le mulesing est l’un des principaux exemples de ces pratiques moralement discutables ayant ému le monde entier. Il consiste à retirer la peau située autour de la queue des moutons mérinos afin d’éviter l’apparition de la myiase (maladie que le mouton mérinos attrape et qui se caractérise par la présence sous-cutanée de larves de mouches) mettant en danger la santé de l’animal et donc, la qualité de sa laine.
Alors pourquoi est-ce une pratique qui pose autant de débats ?
Premièrement, parce que l’opération est pratiquée sans anesthésie par les éleveurs eux-mêmes et que les moutons sur lesquels l’opération est réalisée ne bénéficient pas d’un suivi médical approprié. On estime en général à 2 ou 3 semaines la cicatrisation de l’animal, si l’opération ne dégénère pas en infection, traumatisant l’animal à vie.
Cependant, en tant qu’amoureux de la laine, nous pensons que la laine peut tout de même être considérée comme une fibre éco-responsable, tant les qualités de cette fibre sont nombreuses.
Ainsi, comme dit précédemment, la laine est une matière hautement durable. On estime qu’un vêtement en laine a une durée de vie pouvant aller jusqu’à 10 ans alors qu’en vêtement fabriqué à partir d’autres fibres textiles est compris entre 2 et 3 ans. De plus, la laine est très facile à entretenir et ne nécessite que peu de lavage, entre 2 et 3 par saison au maximum, ce qui réduit considérablement donc, de facto, l’eau utilisée pour son entretien. Enfin, la laine est une matière très facilement recyclable et biodégradable, il s’agit même de la fibre textile la plus réutilisée et recyclée dans le monde. Elles peuvent être effilochées, puis mélangées avec de nouvelles fibres pour créer un nouveau fil, et enfin, un nouveau pull. La laine conserve toutes ses propriétés isolantes et thermorégulatrices. Biodégradable, elle peut aussi agir comme fertilisant pour les sols et donc améliorer les autres cultures.
Ensuite, la laine est de plus en plus produite de manière écologique et éthique sur le marché mondial. Grâce aux labels et certifications comme RWS (Responsible Wool Standard) qui atteste d’une production de laine responsable du bien-être des moutons et des terres sur lesquelles ils pâturent. La certification RWS s’assure que la laine provient de fermes qui ont une approche progressive de la gestion de leurs terres et qui pratiquent le respect du bien-être animal (élevage, tonte, fin de vie).
Elle répond également à des normes sociales basées sur l’organisation internationale du travail, en proscrivant par exemple la discrimination ou le travail forcé. Aujourd’hui, la production de laine RWS évolue de manière exponentielle, doublant par exemple entre 2020 et 2021 (de 24 195 tonnes en 2020 à 51 078 tonnes selon Textile Exchange).
Mais la certification RWS n’est pas le seul label ou certification qui atteste d’une laine produite de façon éthique et responsable ; nous pouvons citer des labels de renommée mondiale comme le label GOTS ou OEKO-TEX.
Un peu plus haut dans la présentation, nous avions abordé le mulesing. De plus en plus de marques s’opposent désormais à cette pratique (le nombre de marques opposées à cette pratique a évolué de 100 marques en avril 2020 à 306 en juillet 2022 selon Four Paws).
Comme vous pouvez le voir, la réponse à la question initiale est teintée de nuances. Chez Maison Izard, en tant qu’amoureux de la laine et de ses vertus, nous sommes persuadés que la laine peut être considérée comme une fibre éco-responsable à partir du moment où elle respecte l’environnement, les animaux et les Hommes, et est produite localement.
La laine locale est-elle éco-responsable ?
Maintenant que nous avons abordé le cadre général du marché mondial de la laine, et ses dérives, il est temps de nous concentrer sur le cas particulier de la laine locale, laine que nous connaissons bien…
Tout d’abord, l’élevage intensif des ovins n’est pas pratiqué en France. En 2021, on dénombrait environ 71 170 élevages d’au moins 1 ovin dont 19 689 élevages de plus de 50 brebis, soit 27,7% des élevages en France (Source : recensement BDNI 2019 au 14 mars 2020). Parmi ces élevages de plus de 50 ovins, la moyenne était d’environ 258 animaux en moyenne, ce qui reste bien éloigné des immenses élevages que nous pouvons trouver en Australie ou en Nouvelle-Zélande. De plus, le cheptel français et le nombre d’exploitations ont considérablement diminué depuis les années 1990 (plus de la moitié du nombre d’animaux et d’exploitations selon les enquêtes cheptels de novembre et Recensements Agricoles 2000, 2010 et 2020 et le recensement BDNI 2019 au 14 mars 2020). La principale explication de ces baisses notables est le faible taux de renouvellement de la population des éleveurs ovins. En effet, en 2020, 50% des éleveurs de brebis allaitantes avaient plus de 50 ans et 46% des éleveurs de brebis laitières avaient plus de 50 ans (Source : Agreste recensement agricole, traitement Institut de l’Élevage). Ce faible taux de renouvellement peut s’expliquer par plusieurs facteurs : faible rémunération, travail titanesque et travail manuel souvent peu valorisé. Ainsi, s’il n’y a pas de possibilités de reprise d’exploitations, les nombreux départs en retraite dans les années à venir ne freineront pas les baisses du nombre d’exploitations et d’animaux.
Ce qui serait bien dommage, car en France, la laine est une ressource qui peut être produite localement et de manière responsable, tout en permettant de créer de nombreux emplois sur sa longue chaîne de production (l’élevage bien sûr, mais également, le filage, le tissage ou le tricotage). Ainsi, la production de laine pourrait permettre la création de véritables bassins d’emploi dans des régions rurales. De plus, en tirant parti des richesses et spécificités de notre territoire et de la cinquantaine de races de moutons différentes présentes en France, l’élevage ovin peut prospérer de manière responsable, sans mise en danger de la biodiversité et en jouant un rôle essentiel dans l’occupation et l’entretien des zones dans lequel il est implanté.
Ainsi, une région « pluvieuse » (comme la nôtre) est parfaitement adaptée à l’élevage d’ovins grâce à l’optimisation des pâturages, qui permettent de limiter les importations et les transports de céréales et de fourrage, et des ressources en eau et en énergie.
Enfin, en Europe et en France notamment, la laine est souvent considérée comme un « sous-produit », c’est-à-dire que les ovins ne sont pas élevés uniquement pour leur laine, mais pour leur lait ou leur viande. Et c’est un gros problème pour les éleveurs car la laine doit être stockée. Depuis 2009, le règlement CE n°1069/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 interdit aux éleveurs d’apporter leur laine en déchetterie, de la brûler, de l’enterrer, ou de l’utiliser sous quelque forme que ce soit, si elle est brute. Cette décision européenne est évidemment une excellente chose, mais le problème pour les éleveurs est qu’ils doivent tout de même tondre les moutons pour éviter qu’ils ne souffrent de la chaleur l’été. Seulement, la laine ayant perdu de sa valeur, le coût de la tonte ne couvre pas toujours le prix de vente, ce qui complique une équation déjà bien difficile. La valorisation de cette ressource locale permettrait donc, à terme, d’augmenter son prix de vente, et donc, la rémunération des personnes qui la produisent.
Pour nous, la laine locale est donc une fibre éco-responsable, elle permet aussi bien de valoriser une ressource naturelle, locale, durable, aux mille et une vertus pour une multitude de domaines, que de permettre la création de tout un écosystème vertueux.